Qui n'a senti, en certaines occasions, affleurer l'invisible ? Cette expérience d'une réalité autre, sinon surnaturelle, la plupart des œuvres en témoignent, depuis qu'il y a des hommes et qu'ils créent. Aventure, à ce niveau-là, plus sensible que spirituelle. Incertaine. Aussitôt effacée que décelée. Indécise, fluide, évanescente, au point que celui qui l'a pourtant vécue et qui ne dispose pas des secours et recours de la foi, en douterait s'il n'en avait, au moment même, tenu registre. Telles sont les notations de Claude Mauriac : captées dans son journal, parmi beaucoup d'autres de nature différente ; relativement rares, comme les événements fugitifs dont elles rendent compte, de loin en loin, mais d'une façon continue depuis 1936. Ce sont ces pages de journal, où a été piégé l'invisible à l'état de trace, que l'on trouvera ici. Réunies non pas dans leur ordre chronologique, mais selon les subtiles orchestrations familières aux lecteurs du Temps immobile. Infiltrations de l'invisible dont parlait Gabriel Marcel. Roger Gilbert-Lecomte disait, en 1928, dans Le Grand Jeu : Ce sont ces instants éternels que nous cherchons partout. Ce que Claude Mauriac, en une page de son journal, appelait, il y a plus de cinquante ans déjà, l'éternité parfois. Il n'a pas trouvé mieux pour définir, aujourd'hui encore, dans son titre, l'objet de son énigmatique, merveilleuse, et pas tout à fait illusoire, recherche.