Qui a giflé la lampe ? Qui a cassé Frédéric ? Qui a répandu des larmes sur la table et pourquoi pleure l'encrier ? Qui stoppera le saignement du parquet ? Arrêtez, il y a maldonne : ramassons les mots, mélangeons-les ; redistribuons-les de nouveau. Que chacun réintègre sa place exacte dans le langage quotidien : Qui a giflé Frédéric ? Qui a cassé la lampe (à pétrole) ? Qui a renversé l'encrier et pourquoi ma mère pleure-t-elle en nettoyant le sang répandu sur le parquet ? Pourquoi toutes ces questions ? Les pères n'ont-ils plus le droit de corriger leurs fils ? Le fils unique, l'aîné de trois filles : deux maigrelettes aux yeux ronds de stupeur, et une troisième, toute ronde et pulpeuse : Diane, c'est-à-dire moi, nullement chasseresse, mais chassée vers sa chambre par les cris du père et de son fils. Au thème principal — un fils réduit par son père à l'état de dépouille —, Vénus Khoury-Ghata relie bien d'autres motifs : la vie quotidienne et haute en couleur dans le Liban des années 50, les rapports entre les deux communautés religieuses, leurs coutumes, la saveur d'un langage imagé, le franbanais.