Longtemps, la biologie a présumé que les animaux vivent ensemble pour mieux se reproduire et diffuser leurs gènes. Mais voilà que les lions, les chevaux et les irrisors moqueurs au plumage verdoyant invitent à inverser la perspective : la vie de groupe découle bien davantage d’une réticence à se disperser. Et chez des animaux sociaux comme les loups, les fourmis ou les mangoustes, il arrive que certains individus entravent la descendance de leurs congénères. Pas si simple, la vie sociale… Pourtant, dans le mutualisme incessant de la nature, les singes se réconcilient, les antilopes partagent leurs activités de surveillance et les loutres apprennent à coopérer. La vie sociale est une des formes que prennent les interactions écologiques, et le pacte des lions n’est qu’une réponse à une exigence de solidarité. Le bricolage incertain produit par ces interactions est une force pertinente pour penser l’autonomie et l’auto-organisation du vivant. Car la génétique n’est pas la clé de tout : la socioécologie, qui étudie les interactions sociales, est une autre porte d’entrée pour comprendre l’inépuisable complexité de la vie. Thierry Lodé est professeur d’écologie évolutive et directeur de recherches à l’université Rennes-I. Grand spécialiste des sexualités animales, il a notamment publié Histoire naturelle du plaisir amoureux, Manifeste pour une écologie évolutive, Pourquoi les animaux trichent et se trompent, La Biodiversité amoureuse et La Guerre des sexes chez les animaux.