« Pendant un demi-siècle, les armes nucléaires ont évité un conflit entre les deux superpuissances, mais elles ne leur ont pas épargné d'autres guerres et elles ne les ont pas mises à l'abri de la défaite : les États-Unis ont été militairement vaincus au Vietnam, comme l'Union soviétique l'a été en Afghanistan. En 1990, elles n'ont pas empêché l'Irak ni de défier les cinq pays qui en sont dotés, ni de bombarder Israël, qui en détient également. Après la fin de la guerre froide, il faut réexaminer entièrement les conceptions sur lesquelles nous avons vécu, et nous adapter à de nouvelles données stratégiques. Juridiquement, politiquement et stratégiquement réduites à un nombre infime d'hypothèses marginales, les armes nucléaires seront bientôt un anachronisme. Elles ont perdu leur justification. Mais elles continuent de représenter un danger pour l'humanité, car elles peuvent être utilisées par accident ou mauvaise interprétation de l'attitude d'un autre pays. Il faut par conséquent tendre à les faire disparaître. C'est la voie dans laquelle s'est engagée la Commission Canberra, où les adversaires de toujours des armes nucléaires rejoignent ceux qui les ont acceptées comme moyen de dissuasion, pour suggérer des mesures concrètes, réalistes et prudentes. » Michel Rocard