En un éclair, il avait fait volte-face et, sans se retourner, me dit : "Oui, mon cher, je connais votre question, le leur transmettre n’est-ce-pas ; qui « leur » ? C’était bien cela votre interrogation ? Rassurez-vous, « leur », c’est ce que vous observiez par la fenêtre de notre compartiment, avec un intérêt visiblement marqué ; plus précisément, ces passagers qui, stupidement conditionnés à ce que les trains s’arrêtent dans les gares, sont — d’un seul coup — bouleversés par le retard dont ils se pensent déjà victimes : la correspondance qu’ils rateront les déstabilise — correspondre pour aller où ? Dites-le moi, mon cher, pour aller où ?" J’insistai : "Ces « leur », Monsieur, sont-ils si différents de vous ?" D’une voix fuyante, il me dit : "Très certainement car, contrairement aux autres, quand un train s’arrête, je considère que je suis arrivé, je ne descends pas pour voir, je descends parce que le train s’est arrêté." La question fondamentale que sous-tend cet étrange périple n’est pas celle de l’amélioration potentielle de l’humanité mais, plus précisément, celle qui démontre que seule la haine est perfectible. L’ordre des choses est un récit incisif et dérangeant, mené à la première personne. C’est un voyage au long des lignes enchevêtrées de destins qui se croisent et se fuient comme les rails. Les événements, les paroles, les bruits, les cris, les silences, tout se heurte et s’écarte. C’est une quête existentielle du narrateur, coupé de ses repères, cahoté au rythme des roues du train, confronté à des personnages énigmatiques, qui le mènent vers un horizon qui n’est autre que le lieu qu’il avait initialement déserté.