Marc Moulin est un forgeron d’art, qui ne craint pas les audaces et, sur son enclume, il forge les mots, les images et les vers dont il a besoin pour édifier son œuvre. Cherche-t-il un adjectif pour qualifier l’âme, il trouve stradivariusienne, il la fait courir en galopées terribles et l’amour devient pour lui une clef d’usure ; la pénombre lui apparaît ouateuse et il dote une pianiste de doigts d’aimant. Pour rimer intérieurement, il bouscule la conjugaison et « frémirent », sous sa plume, devient frémissèrent, une plume qu’il veut de miel — un miel élaboré d’absinthe et de colchique — pour séduire ou reproduire un cœur-araignée. Il compose des bouquets de roses écarlates aux jupons touffus, et voit les visages se transformer en mers sensibles où chaque rayon d’instant est pris au piège. Qu’est embrasser ? C’est : écraser une bouche de femme avec un rire sans consonne. Il dit tour à tour bonjour à la mort et bonsoir aux humains qui se débattent avec lui, suffoquant, dans ce sale air de l’enfer que nous respirons à pleins poumons, car c’est là le salaire de la vie moderne.