Au terme d’une négociation longue et conflictuelle, l’industrie pharmaceutique signait, en 1994, trois accords de branche, portant sur les classifications, la formation professionnelle et la gestion prévisionnelle des emplois. Ces trois accords, conçus comme un tout, sont porteurs d’une nouvelle logique de classification, fondée sur la reconnaissance des compétences individuelles des salariés. L’évaluation des compétences individuelles des salariés introduit une double rupture : celle d’une individualisation des procédures de classement des salariés qui, jusqu’alors, se faisait en référence à l’évaluation collective des emplois par la branche ; celle, concomitante, d’un déplacement du lieu de l’évaluation des qualifications de la branche vers l’entreprise. À travers ce changement de niveau de construction des classifications professionnelles, de la branche vers l’entreprise, se pose dès lors la question des formes de régulation des classifications d’entreprises susceptibles de préserver la cohérence du fonctionnement du marché du travail. À travers le compromis que reflètent les accords de juin 1994, la branche abandonne son rôle traditionnel de normalisation des classifications professionnelles (même si, dans les faits, le caractère obsolète de la classification de 1956 avait conduit un grand nombre d’entreprises à élaborer leur propre système de classification). Elle s’oriente désormais, à travers ces accords, vers un rôle d’incitation, qui prend appui sur l’institution de procédures de suivi et de contrôle ex-post des pratiques d’entreprises, et qui se fonde — implicitement — sur l’hypothèse d’une transformation des relations sociales au sein des entreprises.