Pour la seconde fois dans notre courte vie d'hommes - sans compter ce qu'avaient vu nos pères en 1870 et que touchait presque notre enfance - nous voici, nous et nos enfants, engagés dans cette cruelle aventure de la guerre. Nous les doux, qui avons reçu si claire la leçon de l'amour, et dont toute l'œuvre eût voulu être de conciliation, d'harmonie et de paix. Nous les réfléchis, qui avons de si bonnes raisons de penser que l'aventure ne paye pas et qu'en soi, en effet, le plus médiocre arrangement vaut mieux que la meilleure guerre. Nous, les démocrates, qui savons le poids des lourdes contraintes autoritaires appelées par la préparation et la conduite de la guerre, et que nulle liberté, nulle égalité, nulle fraternité n'en saurait sortir intacte... Cette guerre, pour nous doublement cruelle, nous avons pourtant double obligation de la faire, et de la bien faire, nous les doux, nous les réfléchis, nous les démocrates, nous les chrétiens, nous les pacifiques. Pourquoi et comment ? C'est ce que je voudrais dire.