Marcel-Edmond Naegelen a écrit des ouvrages de haute pensée et de ton grave. Homme d’action, il s’échappait de la mêlée et s’efforçait de la dominer pour méditer le sort de sa génération, de sa patrie et de l’humanité. Retiré de la vie publique, il adopte une toute autre forme pour dépeindre les événements de ces dernières années et leurs acteurs. L’ironie est à la fois vengeresse et apaisante, pénétrante et légère. La caricature instruit en divertissant. Sous des noms évocateurs, nous sont racontées les machinations qui ont abouti au gouvernement personnel, à la décolonisation et à l’Algérie indépendante. Les principaux épisodes de cette histoire récente se déroulent plaisamment décrits. Les personnages qui les ont fomentés et ceux qui se sont courbés sous « le vent de l’Histoire » s’agitent tels qu’ils sont, et non tels qu’ils voudraient paraître. Ils sont croqués sans méchanceté, mais sans complaisance. Si l’on s’amuse à leurs dépens, c’est qu’ils sont déshabillés et qu’ils se montrent avec leurs grandes prétentions et leurs petits côtés ; c’est que, les masques et les costumes d’apparat arrachés, on découvre des hommes quelconques, avec toutes les faiblesses et tous les travers qui les font grimacer. On rira à la lecture de certaines scènes vues des coulisses, ou avec les yeux et à travers les sentiments secrets de ceux qui les jouèrent. Des réflexions d’apparence modeste, d’une humble et éternelle vérité, émaillent ce récit qui veut rester drôle pour cacher une amère tristesse. Les intrigues les plus compliquées sont dévoilées avec un sourire de malice ou de pitié. Comme le héros de Beaumarchais, le lecteur de cet essai d’Histoire contemporaine s’empressera de rire pour ne pas pleurer. Qu’il rie franchement ; cela soulage, cela fait du bien.