Depuis Homère, sans doute avant, jusqu’à Cecil St-Laurent, des milliers d’écrivains ont couvert des myriades de pages sur le problème du comportement de la femme. « Le tournoi sans couleurs » pose le problème curieux des sentiments inaccoutumés du comportement hors les règles d’une femme très belle, dont la conduite déroute les esprits les plus compliqués. Marguerite de Rochebaron vivait à l’époque de la grande lutte qui meurtrissait la France en ce début du XVe siècle, période où Armagnacs et Bourguignons se disputaient l’hégémonie. Le hasard voulut qu’elle connut et aima le rude Jean de Beaune, ambassadeur de Jean sans Peur et, pour complaire à son amant, elle entraîna son père dans la lutte contre la couronne soutenue par les Armagnacs. Son amant mort, l’orgueilleux fief paternel anéanti, la jeune fille maintenant ruinée, sans appui, refuse cependant l’amour de son vainqueur Philippe de Grolée, et fait subir mille avanies au seul homme qui peut la sauver du désastre. Ces premiers personnages évocateurs d’une période violente s’accompagnent d’une figure historique parfaitement campée, le jeune et déjà célèbre Dunois, surnommé le Bâtard d’Orléans, guerrier dont la loyauté, reconnue par l’Histoire, déjoua le machiavélisme de Marguerite, désireuse d’en faire son amant dans le seul but de torturer Philippe de Grolée. Parmi les fêtes et les luttes où s’agite ce monde coloré encore imprégné des mœurs de la grande chevalerie, une foule d’acteurs de second ordre, néanmoins solidement plantés, apporte à cette fresque la touche exceptionnelle de ce temps rude, mal connu du public. Imprévu, le dénouement de l’histoire, animée par notre belle féodale, laisse aux lecteurs, pris au jeu, le regret de la fin. Robert Lugné, qui leur a déjà donné, avant celui-ci, deux grands romans historiques : "Chêneloup" et "Le lys noir", prépare pour eux : "Le choc des croix". Ce livre racontera, avec le même talent et la même réussite, le drame des guerres de Religion.