Chacun des poèmes, dans Les dieux pèlerins, semble arriver comme à travers l’air, et ne former ses vers, pour nous, que dans un froissement rapide. Et, bientôt, le poème s’interrompt. Est-il pressé de s’effacer dans le silence ? Dieux ou poèmes pèlerins : il s’agit, pour Métellus, de capter le présent multiple du monde, de jeter des réseaux agiles de vers sur des lambeaux qui fuient. Jamais, peut-être, les poèmes de Métellus n’ont été aussi accordés à l’instabilité, aujourd’hui, du réel. Passé, présent, qui aborderait l’œuvre de Métellus par ce dernier recueil, ne saisirait peut-être pas nettement la richesse temporelle qui s’y trouve pourtant impliquée. Le présent, transparent et aérien, des Dieux pèlerins est, comme l’ombre chez Rembrandt, habité. Maints passés y font sentir leurs pressions, avec toute la diversité de leurs pulsations temporelles respectives. Faudrait-il les énumérer, essayer de les rendre distincts, de rendre ce qui leur revient ? Histoire – séculaire ou récente – d’Haïti, histoire de l’Occident, profondeur temporelle des langues – le créole, le français – ou des littératures, succession des générations, passé collectif – celui, par exemple, de la ville natale ou de la famille – aussi bien qu’individuel : tout cela, dans des œuvres antérieures de Métellus, s’était déjà richement imposé.