L’abbé de l’Épée, en créant à Paris — dès 1760 — la première école pour sourds-muets au monde, ouvrait une voie qui sera largement suivie. À la fin du XIXe siècle, la France comptait soixante-dix écoles semblables. Quinze d’entre elles, regroupant près d’un millier d’élèves, soit environ le quart de la population des enfants sourds scolarisés, étaient dirigées par deux congrégations montfortaines, les Frères de Saint-Gabriel et les Filles de la Sagesse. Ils furent des pionniers de la recherche pédagogique et méthodologique pour la rééducation des handicapés sensoriels. Le frère Bernard inventa la phonodactylographie. Sœur Marguerite et le frère Adrien Douillard sortirent Marie Heurtin et Bernard Ruez de leur triple nuit (cécité, surdité, mutisme), et en firent des sortes de génies. C’est cette épopée que ce livre veut retracer, depuis la première école des sœurs et des frères, fondée à la Chartreuse d’Auray au début du XIX siècle par Gabriel Deshayes, jusqu’à celles, toutes récentes, ouvertes en Inde et à Haïti.