À quelles conditions le fonctionnement des techniques reste-t-il compatible avec les exigences d’une vie en société ? Cette question a habité les débats qui ont accompagné la naissance, et le développement, des sociétés industrielles modernes. Elle est, par là même, au cœur de la tradition sociologique. Est-ce à dire qu’elle serait résolue ou épuisée ? Dans Les hommes et les machines, Nicolas Dodier la pose, à nouveaux frais, en se tenant éloigné aussi bien des critiques de la modernité et de leur vision irréaliste de la technique, que de l’enthousiasme naïf des prophètes de la troisième révolution industrielle. En prenant appui sur une enquête de terrain, dans une entreprise industrielle acquise aux nouveaux modes d’organisation du travail (dits “flexibles” par opposition à la planification taylorienne), l’auteur analyse la condition sociale de ceux qui — des ingénieurs aux ouvriers spécialisés — font agir les machines car, aujourd’hui pas plus qu’hier, les dispositifs techniques ne peuvent rien sans l’effort constant des êtres humains qui, souvent au prix de leur souffrance, interagissent avec eux. Menée selon une méthode qui s’inspire des développements récents de la pragmatique sociologique, l’étude part d’une analyse des réseaux socio-techniques pour poser des questions qui relèvent de la morale sociale : celles, par exemple, de la responsabilité, de la reconnaissance de soi, ou encore de la violence qui est loin d’avoir déserté les arènes du travail.