Maurice Paléologue conclut son Journal de l’Affaire Dreyfus par ces mots : « Les vraies culpabilités de 1894 restent énigmatiques, et elles le resteront tant que les archives de Berlin n’auront pas livré leur secret. » Étant à Berlin de 1919 à 1927, attaché aux services français, j’ai vu publier une masse de documents diplomatiques dans une Allemagne qui se refusait à être déclarée seule responsable de la guerre de 1914. C’est en 1923 et 1924, qu’ont paru les volumes de la Grosse Politik qui concernaient l’affaire Dreyfus. Bonne aubaine pour les historiens réclamant « des textes précis ». Bien plus tard, devenu en 1946 conseiller historique du ministère des Affaires étrangères, et Chief editor des documents allemands saisis pendant la Deuxième Guerre mondiale, j’ai pu considérer beaucoup d’autres textes, qui n’avaient pas été retenus pour la Grosse Politik. Plusieurs d’entre eux, échangés entre la Wilhelmstrasse et la rue de Lille, dominent l’Affaire. La grande bienveillance du regretté Mario Toscano, conseiller historique de la Consulta, m’a permis de dépouiller les archives romaines pour la correspondance échangée avec l’ambassade de Paris. J’avais eu ainsi l’avantage d’avoir pu, le premier, fouiller aux archives secrètes allemandes et italiennes touchant l’Affaire... Labori avait écrit : « L’Histoire dira la sentence dernière le jour où les archives diplomatiques de trois grands pays nous révèleront leurs secrets. » Dans l’unique souci des droits de l’Histoire, c’est ce que nous avons tenté en publiant le présent ouvrage.