Depuis le succès mondial de My beautiful laundrette, en 1985, Stephen Frears s’est imposé comme un cinéaste de premier plan. Bien qu’une large partie de son œuvre, réalisée pour la télévision britannique, reste peu connue du public français (un des buts d’Eithne O’Neill est d’ailleurs de combler cette lacune), son humour corrosif, son engagement social, et son défi des tabous sexuels, ont fait de lui l’un des représentants les plus brillamment dérangeants du cinéma anglais contemporain. On l’a vu aussi à l’aise à Londres (Prick up your ears), qu’à Dublin (The snapper), aussi inspiré sur le petit écran (Three men in a boat), que sur le grand (Héros malgré lui), aussi original dans l’adaptation (Les liaisons dangereuses), que dans l’improvisation (Sammy et Rosie s’envoient en l’air), au point que la variété même de ses entreprises et de ses talents a pu faire douter qu’il fût un authentique « auteur ». Lui-même, modestement, rejette cette étiquette. L’objectif de ce livre est, néanmoins, de mettre en valeur l’unité profonde d’une pensée, d’un imaginaire, d’un style. D’autant que, sous l’évidence d’un regard à la fois incisif et généreux, émergent des interrogations plus graves et plus secrètes, qui donnent sa cohérence et sa puissance d’émotion à une œuvre proprement énigmatique.