« Al' comédie ! Al'comédie pou in sou ! Les premiers rintrés s'ront les mieux plachés ! » Tous les dimanches, à la fin du XIXe siècle, ce cri retentit dans les quartiers ouvriers de Lille, de Roubaix, d'Arras, de Valenciennes... Un public d'adultes se presse, pour entrer dans une cave, une salle d'estaminet, un hangar, un grenier, où se déroule le spectacle de marionnettes.Le cri du montreur de marionnettes, la cloche agitée par un enfant, et de petites affiches peintes à la gouache, constituent toute la publicité du théâtre où l'on joue, chaque semaine, un « grand drame de combat », inspiré des romans populaires, ou imité du répertoire du « grand théâtre ».Les spectateurs, le livre d'histoire sur les genoux, se régalent de tirades grandiloquentes, parfois émaillées de picardismes involontaires. Un ambassadeur est annoncé à la cour, et le roi ordonne à son serviteur : « Dis-y qui rinte et qui s 'assiche ! » Cependant, certains montreurs, pour lesquels la marionnette n'est pas seulement un complément de ressources, atteignent une étonnante perfection, et édifient de véritables monuments de la culture ouvrière.À partir d'un important travail de recherche en archives, et d'une collecte d'informations auprès d'anciens spectateurs et de descendants de montreurs de marionnettes, Andrée Leroux et Alain Guillemin reconstituent la vie de ces petits théâtres.Marionnettistes dans la troupe du Théâtre Louis Richard, ils ont su saisir, à travers les techniques de jeu et de fabrication, la nature exacte de ce « théâtre du pauvre », replacé dans la vie ouvrière de l'époque. L'évolution du répertoire est comparée aux modes littéraires et aux programmes des « grands théâtres »...Depuis 1979, le Théât' Louis, fondé par Louis Richard en 1884, renaît avec Florien Richard, troisième représentant d'une dynastie de montreurs de marionnettes. Centenaire, ce théâtre a trouvé une nouvelle jeunesse, et c'est cette tradition encore vivante que présente, aussi, cet ouvrage.