S’agit-il encore d’un ouvrage politique parmi tant d’autres, en ces temps fiévreux d’élections présidentielles ? C’est bien autre chose, et bien davantage, même si le texte est nourri de la longue expérience politique et parlementaire de son auteur. Raymond Triboulet rapporte justement un entretien qu’il eut, quelques mois après mai 68, avec le général de Gaulle, qui s’interrogeait sur la vanité d’une politique qui, au-delà de la gestion de la cité, n’irait pas jusqu’aux mœurs. Et il s’interroge à son tour sur ce mal du siècle, qui rend la plupart des Français insensibles à tout discours, notamment politique, et les condamne au souci exclusif d’eux-mêmes, au nombrilisme le plus déprimant. L’auteur observe notre vie quotidienne et nous dit : « Votre bonheur m’intéresse. » Il relève les symptômes de la contagion : la « pub », le « marketing », le « fric », qui imposent les besoins à la mode, l’anti-culture, la confusion des idées et des comportements. Et comme l’auteur ose dire qu’il est heureux, il nous révèle sa méthode, son hygiène : l’exercice de la singularité, de la vocation, de la « forme » physique et morale, de l’amour de la beauté, de la foi. Mais cet art de vivre ne vient-il pas de loin, de ces époques dites belles, de ces temps vigoureux qui pourraient renaître ? Ce livre d’un « honnête homme », au sens plein du mot, respire la santé et la joie.