... « Il y a un demi-siècle, quand dominait - dans certains milieux - une vue étroitement ouvriériste de la lutte des classes et de l'Histoire, Boissy d'Anglas était aisément stigmatisé comme un bourgeois thermidorien, riche "propriétaire" et qui, de plus, avait eu l'imprudence de faire quelque théorie sur la légitimité de l'hégémonie des "propriétaires". De là à être tenu pour élitiste, "égoïste" et, à l'égard d'un petit peuple, tantôt dur et tantôt, au mieux, paternaliste, il n'y avait pas loin. Vue négative, par conséquent. Et chacun sait que bien des bourgeois de son temps pratiquèrent ce pharisaïsme-là. Mais si la grande propriété avait ainsi, en face des pauvres, son côté répulsif, on ne saurait oublier qu'elle avait, en face des réalités ou des velléités autoritaires de l'État, l'avantage de fournir le socle de résistance que donne, à qui veut s'en servir, l'indépendance économique. De nos jours aussi, mutatis mutandis, le fonctionnaire assuré de la "sécurité de l'emploi" est plus aisément actif dans l'opposition, que le salarié du privé menacé de licenciement... » Maurice Agulhon, professeur d'histoire au Collège de France.