Depuis soixante ans, l'arme nucléaire est le symbole suprême de la puissance des États (au premier rang desquels les deux empires de l'après-guerre) et l'instrument de leur domination sur l'ordre mondial. Autant dire que, faire notre histoire politique et militaire depuis 1945, c'est faire celle d'un « monde nucléaire ». A la lecture d'un récit qui restait pourtant à écrire, on comprend comment, dès son invention, l'arme atomique s'est imposée comme un élément central, structurant et fortement stabilisateur des relations internationales. Comment, en plaçant pour la première fois dans la main de l'homme le moyen de sa destruction, elle lui a imposé d'en théoriser (et d'en organiser) la non-prolifération et la non-utilisation. Comment le bombardement d'Hiroshima, s'il a été l'acte de naissance de la Guerre froide, a ouvert une ère de coexistence pacifique. Pourtant, depuis la chute du Mur de Berlin, l'inquiétude renaît. Elle prend un nouveau visage, aux contours moins précis : certains États (tels la Corée du Nord ou l'Iran) ne voient-ils pas dans la détention du feu nucléaire un moyen d'assurer leur existence ou de renforcer leur autorité ? Ou des groupes terroristes celui de soumettre, à peu de frais, l'humanité entière à leurs intimidations ? Aujourd'hui comme hier, l'arme nucléaire constitue un objectif ultime pour les uns, une menace suprême pour les autres. Demain, il en sera de même. Cette perspective rend d'autant plus précieuse la lecture d'un ouvrage qui se propose de couvrir l'évolution des armements et des stratégies nucléaires, pour mieux en confirmer l'omniprésence au XXIe siècle et en comprendre le sens.
Pascal Boniface est directeur de l'Institut de Relations Internationales et Stratégiques (IRIS) et auteur d'une quarantaine d'ouvrages sur les questions internationales.
Barthélémy Courmont est docteur en science politique, chercheur à l'IRIS et responsable du bureau IRIS à Taiwan. Spécialiste des questions nucléaires et des États-Unis, il est l'auteur de plusieurs ouvrages d'études stratégiques.