Lorsqu'on se trompe de pommes de terre, elles se vengent, c'est naturel. Pour la purée, le potage, prenez Miss Eersteling, une Écossaise, appelée aussi Sterling et Belle de Mai, ou bien la Señorita Early Rose (ce qui veut dire la «lève-tôt»), une Chilienne, ou encore une bonne et courtoise Bretonne, Mlle Ker Pondy. Pour les pommes sautées ou rissolées, choisissez des beautés plus fermes, la Belle de Fontenay, la Belle de Locronan, la Rosa. Ceux qui ont peur de se tromper s'adresseront, quel que soit le menu, à Mme Bintje : elle sait tout faire, elle est née en Hollande. Ces nombreuses personnes ont, entre les pages 94 et 95, leur portrait grandeur nature, en couleurs exactes, on ne pourra plus les confondre. Les pommes de terre sont chez nous depuis longtemps : rapportées du Pérou en Europe par des jésuites baladeurs, à la fin du XVIe siècle. Servies à Louis XIII en 1616, elles furent presque aussitôt interdites par la Justice, sous prétexte qu'elles donnaient la lèpre. En fait, sans les pommes de terre, c'était surtout la famine. Louis XVI, enfin, s'en alarma, qui chargea Parmentier d'une grande campagne de promotion. La pomme de terre était lancée, quoique, dans les premiers temps, il fallût la faire protéger par la troupe. Les pommes de terre illustreront plus tard les murs de dizaines de milliers de foyers, grâce au fameux Angélus de Millet. Sur la pomme de terre, le poète Lucienne Desnoues sait tout. Alors elle raconte tout, sa naissance, son histoire comme ses superstitions, ses poètes, ses guerres, comment il faut l'éplucher, et ses infinités de recettes à travers le monde. Toute la pomme de terre est un conte de fées, un roman d'aventures, un vade-mecum absolument indispensable, un album d'images, et sa lecture fait souvent rire. Grâce à Lucienne Desnoues, écrit James de Coquet, «la pomme de terre a réintégré le trésor des Incas : elle est devenue une pépite d'or».