Omniprésents sous la IIIe République, ils ont donné, tout au long du dernier siècle, des présidents, des ministres et des députés en nombre au personnel politique français. Raymond Poincaré, Aristide Briand, Vincent Auriol, Pierre Mendès France, Edgar Faure, Gaston Defferre, François Mitterrand, plus près de nous Patrick Devedjian ou Nicolas Sarkozy : la liste est interminable de ces membres du barreau parvenus au sommet du pouvoir, ayant reçu la même formation, passés par les mêmes cercles d'apprentissage et de convivialité, et qui ont, par conséquent, façonné les us et coutumes de notre vie politique.
Comment expliquer cette influence des avocats, l'étendue de leurs réseaux, leur efficacité ? Peut-on dire aujourd'hui que les experts, issus principalement de l'ENA, ont remplacé les orateurs ? L'actuelle judiciarisation de la vie politique, l'importance croissante accordée aux questions de déontologie et d'éthique n'annoncent-elles pas au contraire un retour en force des professions du droit dans le débat public ? À partir de données d'une extrême précision sur le personnel politique français, de 1870 à nos jours, c'est à un travail au plus près des archives que se livre ici Gilles Le Béguec. Une impeccable leçon de méthode, et une irremplaçable réflexion sur la reproduction des élites au sein d'une république qui, finalement, ressemble peut-être plus qu'on ne le croit à une oligarchie.
Gilles Le Béguec est professeur d'histoire contemporaine à l'université de Paris X-Nanterre. Il a publié, entre autres, Avocats et barreaux en France, 1910-1930, Paris, PUN, 1994.