Fille de la montagne berbère par le hasard de la naissance — sinon par l’ascendance, qui conjugue en elle les sangs andalous et normand — Saphia y a vécu les dix premières années de sa vie, celles où les impressions se forment et s’imposent, et son esprit et son cœur se veulent berbères à tout jamais. Cette vocation berbère est aussi gratuite, et aussi pure, que sa vocation poétique. C’est l’expression de sa volonté de recréer, à sa mesure, un monde perdu pour échapper au monde matériel qui lui est imposé, ce monde moderne auquel nous cherchons tous à échapper, sans toujours y parvenir avec autant de bonheur, soit que nous nous identifions à lui jusqu’à nous perdre, soit que nous cherchions, en des « ailleurs » à notre usage, terres illusoires ou paradis artificiels, à trouver l’oubli de notre pesanteur. Saphia a le don d’Alice. Elle peut traverser sans effort le Miroir ; mais c’est elle qui invente ses transformations. Elle a la philosophie profonde de l’instant, une philosophie sans système, aussi pure que sa poésie et que son attachement au sol natal, ce pays paisible où l’on rêvait quelquefois à sa guise, entourée de palmiers, et courant pour calmer sa soif. Maintenant, pour calmer cette soif, Saphia délivre les messages qui lui sont dictés par son âme et son cœur — seules ressources auxquelles le poète puisse puiser toujours sans les assécher — et, à les recueillir, notre propre soif s’apaise, nos cœurs et nos âmes s’émeuvent au contact de cette poésie sans apprêt, d’où toute « littérature » est bannie.