C’est moi, Artaud, Antonin, cinquante piges, qui le fais, de prendre la peau, et de la crever,au lieu d’attendre son rétablissement physiologique par suppôt dans le sens du papa nouveau,de même que quand le vertige a lieu,je ne m’en réfère pas à dieude redresser les enfants du père, mais premièrement je laisse pisser le mérinos, en frappant à coups de pied les êtres, pour qu’ils s’éloignent de mon feu. C’est lui, mon compagnon de longue date, peut-être le plus ancien. Je range Antonin Artaud dans la catégorie de mes « écrivains méchants », aux côtés de V. S. Naipaul et de Thomas Bernhard. Comme eux, il a puisé à sa propre vie, obsédé par la filiation et la famille, pour construire un cosmos en modèle réduit. Des trois, Artaud est néanmoins celui qui va le plus loin : corps émietté, visage défiguré, multitude d’avatars et de doubles… Cela insuffle à sa trajectoire la fulgurante incandescence d’un astre errant, traversé par l’électricité, et capable, telle une divinité, de faire gronder le tonnerre et l’ouragan.