Derrière l'écran de l'« absolutisme » du règne de Louis XIV, deux grands clans se partagent le pouvoir ministériel de la France : les Colbert et les Le Tellier. Les relations entre ces deux clans sont complexes; tantôt complices, tantôt opposés, les deux groupes sont au cour de l'évolution politique et idéologique de leur siècle.

Face aux Colbert relate l'avènement, le triomphe, les grandeurs, les misères et le déclin du clan fondé par Michel Le Tellier, secrétaire d'État de la guerre, puis chancelier de France, père du ministre et secrétaire d'État Louvois, grand-père du secrétaire d'État Barbezieux et arrière-grand-père du ministre maréchal-duc d'Estrées. Ce clan a ses racines qui remontent à la Ligue. Il a ses ramifications : le clan des Colbert en fut avant de s'émanciper. Il a ses fidèles; au premier rang de ceux-ci : Bossuet et Vauban. Il a ses familles alliées : les Le Peletier, les Chauvelin, les Villeroy, les La Rochefoucauld. Il a aussi ses héritiers : Turgot, Malesherbes, le duc de La Rochefoucauld-Linacourt, Le Peletier de Saint-Fargeau.

Au fil des événements, les multiples liens tissés par les membres du clan se révèlent et font découvrir certains aspects de la dynamique de l'univers politique et social de l'Ancien régime, un univers complexe, plus structuré et plus effervescent que ne nous laisse croire une certaine conception faisant de l'arbitraire royal le moteur de la réalité politique de cette époque. Si les Colbert se font les défenseurs du « colbertisme » (ou « mercantilisme »), dans le sillage des Le Tellier prend un forme un nouveau courant : celui du « libéralisme ». Vauban, Boisguilbert, Turgot, Condorcet et Tocqueville en sont les penseurs. Il se trouve qu'ils font tous partie, à divers degrés, du grand clan issu des Le Tellier.